• "Réflexion islamique sur le hijab"

    A la question du pourquoi du voile, une réponse courante que l’on entend hélas trop souvent est :« Le voile a été prescrit pour que le femme ne soit pas un objet d’attirance pour l’homme»

      

    Cette réponse, pour le moins simpliste, ne peut satisfaire ceux et celles qui savent que la Loi divine poursuit des finalités universelles et comporte des sagesses profondes.

    Les musulmans étant des ambassadeurs et des témoins de Dieu sur Terre, ils se doivent de s’interroger sur les questions qui, justement, repoussent beaucoup de non musulmans. S’interroger dans un premier temps, élaborer ensuite une réflexion pour enfin pouvoir fournir une explication sage, savante et surtout digne de pouvoir satisfaire les sceptiques de tout bord.

    L’auteur de ce modeste article, votre frère Abû Muhammad, ne prétend avoir répondu à la question du pourquoi du voile de façon exhaustive. Il propose simplement des pistes de réflexion et des éléments de réponse qui seront enrichis par tout croyant sincère doté d’un esprit critique et habité par une soif d’apprendre et de progresser dans sa foi.

      

    QUESTION : « Pourquoi une femme doit-elle porter le voile pour être décente ? Pourquoi imposer ce voile si cette femme se vêtit décemment ? Mais aussi, pourquoi l’imposer à elle seule ? Et les hommes dans tout ça ? »

    A cette question simple de prime abord (mais complexe en réalité), l’on doit répondre en posant quatre autres questions brèves qui recadrent mieux le problème et insistent sur certains détails non négligeables :

    1) Les femmes sont-elles les seules à porter la responsabilité de l’éthique vestimentaire publique ? (car, en Islam, elles ne sont pas tenues de porter le voile dans la sphère privée. On parle de voile ici dans le sens large du terme, c’est-à-dire du « Hijab » et non d’un simple fichu posé sur la tête comme nous le verrons plus loin.). Aussi, peut-on réellement utiliser le mot lourd de sens qu’est « l’imposition » ?

      

    2) Celles qui ne portent pas le voile, sont-elles moins musulmanes que les autres ?

      

    3) Les femmes qui ne portent pas le voile sortent-elles purement et simplement de l’Islam ? (excommunication)

      

    4) Est-ce un rabaissement de porter le voile ?

      

    Répondre aux quatre questions susmentionnées de manière rationnelle et productive doit se faire en réfléchissant sur deux paramètres :

    -D’une part, le Hijab en tant qu’objet, qu’est-ce que c’est ?

    -Et, d’autre part, la société dans laquelle j’évolue, que veut-elle ? Quelles sont ses mœurs ? Quelles sont ses valeurs ?

    Ceci permettra de répondre en recentrant le débat et en ayant une toile de fond cohérente à l’esprit, pour mettre en avant l’enjeu majeur du Hijab que l’on occulte, malheureusement, très souvent quand le problème est soulevé : « le Cheminement » vers l’aboutissement d’une spiritualité intérieure et d’une quête de sens menant à l’agrément Divin, Son amour et Son Pardon.

    La réponse à la question 1 est simple. Pour rappel, cette question était la suivante : Les femmes sont-elles les seules à porter la responsabilité de l’éthique vestimentaire et de la chasteté sociale publique ? Et, peut-on réellement utiliser le mot fort qu’est « l’imposition » ?

    D’un point de vue islamique, la réponse est non bien entendu ! En effet, l’homme se doit aussi d’être « décent » (cela ne veut pas dire que ceux et celles qui adoptent un certain code vestimentaire ne sont pas décents. La nuance doit toujours s’imposer de manière juste et logique) dans son apparence et de ne pas montrer ses formes de manière outrancière. Aussi, le voile est-il, dans une société moderne, libre et responsable, un principe religieux légal (comme la prière par exemple) et non pas une imposition par la force (contextualisation due au lieu et à l’époque). Il faut s’y conformer, certes, mais de manière intelligente. C’est-à-dire qu’il faut comprendre le pourquoi pour pouvoir aimer le comment. En d’autres termes, le cœur et l’esprit n’acceptent que ce qu’ils comprennent et intègrent consciemment et délibérément.

    Il s’agit donc, pour l’écrasante majorité des femmes, d’un choix délibéré et conscient. C’est la réponse d’un grand nombre de savants musulmans sur la question.

    Ici, on parle bien du Hijab et, dès lors, une petite définition s’impose. Le Hijab ne renvoie pas à la définition stéréotypée et réductrice qui consisterait à mettre un simple voile sur la tête, et cela de manière forcée par une instance ou un époux dénué de bon sens. Le Hijab n’est pas une sorte de sceau que l’on apposerait sur un « objet » qui nous appartiendrait ou que l’on aimerait soumettre ou dominer. Ce n’est nullement la définition islamique du Hijab et ce n’est en aucun cas le sens spirituel auquel il renvoie.

    Pour une musulmane, le Hijab est la matérialisation d’un concept. Un concept que l’on nomme « l’éthique islamique ». Ce concept est large et ne se résume pas seulement à une tenue vestimentaire. Il a plusieurs composantes, l’une d’entre elles (matérielle) étant le Hijab. Les autres composantes de cette éthique islamique sont, entre autres, le bon comportement, la vertu, le courage, la générosité, le sacrifice, le détachement, la tempérance, la sagesse, etc. Une musulmane perspicace conçoit donc le Hijab comme la partie d’un tout. Si l’une des parties venait à être amputée, on ne pourrait plus parler d’un accomplissement spirituel complet.

    Cette définition nous permet de répondre aux deux questions suivantes, à savoir : 2. Celles qui ne portent pas le voile, sont-elles moins musulmanes que les autres ? Et, 3. Sortent-elles carrément de l’Islam?

    On voit bien que la réponse est non, bien entendu !

    En Islam, personne n’a l’autorité ou la prérogative d’excommunier qui que ce soit, sauf dans des cas bien précis mais qui ne concernent pas notre sujet. Il n’y a pas de clergé ou de gourou. Il n’y a que Dieu qui connait les cœurs et qui a l’autorité absolue de bannir ou d’accueillir. De plus, le concept de l’éthique islamique renvoie à un ensemble de réalités. Aussi, une femme portant le voile mais qui ment, qui vole, qui jalouse, qui fait du mal aux gens et qui n’a aucune spiritualité, ne reflète en aucun cas la musulmane complète. Elle n’est donc pas meilleure musulmane qu’une croyante généreuse, tolérante, spirituelle, honnête et qui ne porte pas le voile (c’est-à-dire le fait de couvrir ses cheveux également) mais qui, néanmoins, s’habille « décemment » de manière générale. Ces considérations s’appliquent également aux hommes musulmans (et ce, par rapport à leur tenue vestimentaire et leurs apparences). Gardons donc à l’esprit le dicton suivant: l’habit ne fait pas le moine.

    Enfin, il serait aussi judicieux de garder à l’esprit qu’une dame comme mère Teresa de Calcutta a toujours porté son voile avec fierté et non par domination d’un quelconque homme ou d’une quelconque autorité religieuse. C’est précisément l’idée qu’une musulmane se fait du Hijab.

    Ceci nous permet de répondre à la dernière question : 4. Est-ce un rabaissement de porter le voile ?Je ne pense pas que cette opinion aurait été celle de mère Teresa. Peut-être que, pour cette gentille Dame toujours souriante, porter des tenues qui empêchent sensiblement un homme de voir en priorité les yeux d’une femme, constituerait une sorte de rabaissement.

    Tout cela pour souligner que d’un point de vue sociologique et psychologique, les mœurs d’une société ne sont pas uniformes et homogènes. Ainsi, comme mère Teresa, la femme musulmane décide à un moment donné dans sa vie de faire un choix libre, son choix à elle, en fonction d’une spiritualité spécifique. C’est, selon les principes démocratiques d’une société vivante et fière de ses valeurs, un choix à respecter.

    Ceci nous amène à l’enjeu majeur du Hijab : la notion de cheminement en fonction du sens et de la spiritualité intérieure. Cette idée de cheminement est très importante car elle renseigne sur l’idée d’une progression, d’un mûrissement de la Foi, et du caractère Noble dans tous les domaines ; en ce compris le voile qui matérialise, dans cet ordre d’idée, la consécration d’une modestie et d’une réelle liberté. Dans ce sens, porter le voile est une étape qui se veut être le fruit d’un processus de maturation spirituelle. Nous venons donc d’évoquer deux mots essentiels en Islam : la modestie et la réelle liberté.

      

    1) Modestie, car malgré la beauté quasi absolue de certaines femmes, celles-ci osent se placer sur un certain pied d’égalité par rapport à d’autres femmes qui seraient éventuellement moins favorisées par une belle apparence. Elles choisissent de ne pas afficher « totalement et publiquement » cet atout majeur. De ce fait, elles créent un environnement social basé sur des nouveaux canons où les autres femmes pourraient peut-être se sentir plus à l’aise et plus décomplexées. En effet, la « compétition » ne se situe plus uniquement sur le plan de la parure. Les paramètres seront, à titre d’exemple, l’intelligence, la douceur, l’altruisme, les compétences, etc. (la liste est bien longue). Ce point est très important : une finalité majeure de la prescription du voile, oubliée par nombre de prédicateurs, est de barrer la route à l’établissement d’une compétition malsaine entre femmes dans la vie publique. Aujourd’hui, des femmes sont frustrées, gênées, voire tristes car certaines femmes qu’elles voient à la télévision ou en rue leur font ressentir une infériorité physique. Nous savons que la chevelure et certains contours du corps de la femme constituent des atouts de beauté et d’attirance. Quand ils sont exposés en public, une compétition s’installe et les femmes qui se sentent moins belles ou moins attirantes ressentent alors une frustration, un manque de confiance, etc. En revanche, le voile islamique met les femmes sur un même pied d’égalité et barre la route à cette compétition malsaine. La véritable concurrence peut alors s’installer, celle des bonnes œuvres et de la piété, si souvent encouragée dans le Coran.

      

    2) Réelle liberté, car elles choisissent réellement de se détacher de cette course effrénée du « paraître ». Choix non pas sur base de ce que pourrait probablement dicter une société de consommation pour être acceptées en tant qu’actrices visibles, mais plutôt sur base d’un éveil intérieur qui les libère du poids des autres en leur disant : « le plus important en fin de compte, n’est pas du tout la beauté extérieur ». Ce faisant, les canons sociologiques féminins modernes (trop bien connus des multinationales de cosmétiques) changent radicalement. Ces femmes ne sont plus réduites, entre autres, à un support matériel de beauté extérieure ou, pire encore, à l’objet du désir des hommes. Au contraire, par leur choix du dépassement des paramètres purement matérialistes et leur abandon du « paraître », elles deviennent les piliers d’une société réellement humaniste. Une société fière où les femmes forcent les gens à devenir meilleurs. Une société non plus du « paraître » mais du « devenir » où les femmes sont les garantes d’une éthique mystique et de valeurs humaines non plus superficielles mais supérieures. Elles deviennent pour tout le monde (même le plus machiste, le plus primaire et le plus vil des hommes) : les mères, les épouses, les complices, les chefs d’une société qui, enfin, éduquent les humains en leur montrant que la beauté, la vraie beauté, est finalement celle du cœur et de l’esprit.

       

    Le rôle du croyant, où qu’il se trouve, est de réformer l’environnement dans lequel il évolue. Certains « penseurs musulmans contemporains » ont cru bon de conseiller aux musulmanes de retirer leur voile, pensant rendre service à leurs sœurs stigmatisées. Malheureusement, ils ont négligé les points suivants :

    - Actuellement, le bon est qualifié de mauvais et le mauvais est considéré comme bon. Le rôle des croyants est de rétablir l’équilibre des valeurs qui a été inversé et non pas de contribuer à cette tendance malsaine.

      

    - Le combat pour la défense du voile est avant tout une lutte pour défendre les libertés individuelles de tout être humain. En dehors de toute considération religieuse, interdire le voile est avant tout une atteinte portée à la liberté fondamentale de chacun.

      

    - Le rôle de tout musulman, et donc aussi du « penseur musulman » est de défendre la justice, la vérité, la dignité, etc. tout en luttant contre l’injustice, le mensonge, l’oppression sous toutes ses formes.

    Rédigé par professeur Ben Hamid

    Rédigé par Dar Al-Hadith Editions Al-Hadith

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